La vie de certaines personnes est parfois incroyable, celle de Vivian Maier en fait partie. Personnage atypique, elle laisse, à sa mort, plus de 30.000 négatifs ainsi qu’une véritable fresque urbaine de l’Amérique des années 60 et 70. On pourrait dire d’elle qu’elle fût nounou le jour et photographe la nuit, mais quel photographe et quel travail incroyable !
Vivian Maier reste encore aujourd’hui une photographe énigmatique dont on ne sait pas grand chose sur la vie, même si le mystère commence à s’éclaircir.
Née à New York le 1 février 1926 d’une mère française, dénommée Maria Jaussaud, et d’un père autrichien, Charles Maier, elle grandit probablement entre la France et les Etats-Unis avant de s’installer à New York en 1951 à l’âge de 25 ans. Elle y restera 4 ans, vivant de petits boulots et d’un éventuel héritage.
Puis elle s’installe définitivement à Chicago en 1956 et commence une carrière de bonne d’enfants. Quand elle ne travaille pas, elle passe la majeur partie de son temps libre avec un Rolleiflex autour du cou, arpentant les rues de Chicago, photographiant sans relâche ses contemporains.
Son regard ne prend pas parti et toutes les classes sociales passent sous son objectif. Mais son travail photographique ne se limite pas seulement à la photo de rue. Paysage, nature morte, portrait, elle s’essaye dans tous les styles, avec des cadrages travaillés, des lumière choisies qui donnent des images d’une rare intensité. Initiée petite par une amie photographe de sa mère, Jeanne Betrand, son sens de la composition étonne pas son objectivité.
Contrairement aux photographes humanistes ou américains qui sévissent à cette époque, Vivian Maier s’inscrit plus dans une mouvance de photographie documentaire. Le regard qu’elle porte sur le monde qui l’entoure est un simple constat de la vie américaine des années 60 et 70, sans compassion, sans fioritures et autres artifices.
Seuls ses portraits d’enfants montrent une certaine connivence, et un certain amour maternelle qu’elle leur porte, mais à sa manière. Les recherches de John Maloof font apparaître des témoignages assez contradictoires : Maier serait entre une Mary Poppins et une féministe garçon manqué, au caractère bien trempé. On ne lui connait à ce jour aucun ami, aucune famille.
Vivian Maier ne se livre donc pas facilement. Décédée en 2009, elle reste encore une énigme, même aux yeux des deux collectionneurs qui se partagent son oeuvre, Jeffrey Goldstein et John Maloof. Ce dernier possède la majeur partie de son travail, découverte par hasard lors d’une vente aux enchères où il tombe nez à nez avec une caisse remplie de pellicules encore non développées et de négatifs en nombre imposant. Ce jeune homme de 25 ans, intrigué par sa découverte, en fait l’acquisition pour 400 dollars, sans se rendre alors compte du contenu de son achat.
Maloof, qui ne connait rien à la photographie, est agent immobilier de profession. Mais le voilà catapulté dans le monde de Maier, sans indices ou informations complémentaires sur l’artiste à l’origine de cet impressionnant travail. Il mettra plus d’un an avant d’en connaitre le nom et commence dès lors un travail de fourmi pour tenter de découvrir qui est cette femme photographe.
Ses recherches sont toujours en cours et son implication est assez exemplaire, avouant lui même que cette collection est tout d’abord un investissement en temps et en recherche, afin de décrypter le phénomène Maier. Affaire à suivre donc…
Aujourd’hui, il semble assez intéressant d’acheter des photos de Vivian Maier. Il y a très peu de photos vintage, la photographe ayant peu tirée ses photos et la plupart étant de plus de très mauvaise qualité. Pour des tirages récents, deux galeries américaines en possèdent et il faut compter en moyenne 2000 € pour un 50X50 en série limitée (prix pratiqué à Paris Photo en novembre 2012). Aux vues de la qualité du travail de cette photographe et de la belle réalisation des tirages, il serait vraiment dommage de passer à côté.
Pour plus d’informations :
le site de le collection Jeff Goldstein www.vivianmaierprints.com
le site de la collection John Maloof www.vivianmaier.com ainsi que la page Facebook qu’il lui consacre www.facebook.com/photographervivianmaier
Les deux galeries américaines qui vendent des photos de Vivian Maier sont :
Steven Kasher : www.stevenkasher.com
Howard Greenberg : www.howardgreenberg.com
Oui, les photos de Vivian Maier méritent intérêt et considération, tout comme son personnage atypique. Pour nous Français, il nous faut rajouter qu’elle ne fut pas seulement une « street photographer » exceptionnelle, ce que les propriétaires américains du fonds Vivian Maier mettent bien en valeur, mais aussi et surtout une « country photographer » aussi exceptionnelle : Elle fit des milliers de photos dans nos Alpes françaises en 1950 et 1959, des photos à couper le souffle.
Nous avons pu organiser à l’été 2011 la première exposition française de ses photos (portraits de ruraux des Hautes-Alpes et auto-portraits) à partir de la collection Maloof. Nous présenterons dans le futur ses paysages alpins et ses premières street photographs qui furent prises en France (pour ce que l’on en connaît à ce jour mais les collections n’ont pas encore révélé toutes leurs richesses) à partir de la collection Goldstein.
Procurez-vous aussi le superbe ouvrage édité par Richard Cahan et Michael Williams : Vivian Maier, Out of the shadows.
Philippe Escallier
Les Amis de Vivian Maier